Un écrivain, une question

Vous avez déclaré dans un journal féminin, je cite : “ Ma vie a été formidable, sauf mon enfance”. J’ai l’impression qu’à partir des Yeux jaunes des crocodiles vous vous êtes inventée une famille, un « roman familial » dans lequel vous auriez aimé vivre. Ce qui expliquerait la trilogie des Ecureuils, Muchachas et Trois baisers. Comme si vous ne pouviez / vouliez pas quitter cette famille là. J’ai l’impression que vous vous êtes beaucoup amusée avec votre « famille d’accueil »?

Katherine Pancol :

Je n’ai pas eu envie de créer une famille avec les Crocodiles, les Tortues, les Écureuils etc. Pas du tout.

Et vous savez pourquoi ?

1) Parce que je déteste les familles et tout ce qui va avec. Je trouve que la famille tue la richesse de l’individu.

2) Parce que je n’aime pas les groupes. J’ai la phobie des groupes. Que ce soit des camps de vacances, des dîners avec convives nombreux ou des réunions de familles. Face à un groupe, je me ferme et je fuis.

Dans un groupe ou une famille, j’étouffe, je dépéris, je broie du noir.  

En revanche, l’individu, ses secrets, ses failles, ses rêves et ses complexes me passionnent.

J’ai commencé à écrire Les Yeux Jaunes… par intérêt pour Joséphine, cette femme qui me paraissait ressembler à des millions d’autres femmes. Je voulais savoir ce qu’elle avait dans la tête et le cœur. Pourquoi elle s’aimait si peu, pourquoi elle se laissait traiter si mal, etc.

Je suis devenue Joséphine.

Et j’ai été bien obligée de lui trouver un mari, des enfants, une mère, un père, une sœur afin qu’elle existe.

C’est ainsi que tous les personnages ont surgi les uns après les autres. (Et que j’ai créé une famille !). C’est ainsi que je me suis plongée en eux, en chaque INDIVIDU, pour comprendre comment il « fonctionnait ».

Mais si vous regardez bien, mes personnages sont tous des INDIVIDUS. Des êtres uniques.

Et oui, je me suis bien amusée.

Chacun d’entre eux me passionnait. Je voulais les voir vivre, faire des choix, rêver, respirer, aimer… J’avais l’impression que je multipliais ma vie en vivant toutes leurs vies. C’est ce qu’il y a de passionnant dans l’écriture : la faculté de devenir quelqu’un d’autre. D’inventer la vie de gens qui n’existent pas et finissent pourtant par exister.