Valentine Hervé, Psychologue à Paris 6
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« Qu’est-ce qu’une addiction ? »

par Joyce McDougall

Joyce McDougall (1920- 2011) était une grande figure de la psychanalyse. Née en Nouvelle-Zélande, elle suit au départ une formation d’analyste à Londres auprès d’Anna Freud et de Donald W. Winnicott. Elle s’installe à Paris où elle devient membre de la Société Psychanalytique de Paris, tout en demeurant membre de la New York Freudian Society. Elle fait la connaissance de Jacques Lacan et de Piera Aulagnier. Elle s’impose rapidement par l’originalité de son travail, notamment sur les questions d’addiction, de psychosomatisation ou de bisexualité. Elle est l’auteure de nombreux livres dont Dialogue avec Sammy, avec Serge Lebovic, L’Artiste et le Psychanalyste et d’ouvrages devenus des classiques comme Théâtre du corps et Théâtre du Je. 

Dans ce texte, Joyce McDougall considère les addictions comme des mécanismes de défense contre la douleur psychique. Il s’agit en quelque sorte d’une tentative d’auto-guérison, un refuge rapide et bref qu’un sujet utilise pour palier à des états psychiques menaçants, un déplaisir, voire à un sentiment de mort interne.

L’addiction ne concerne pas seulement les substances, elle touche également les comportements. Les addictions se conjuguent au pluriel : on peut être addict au shopping, à son smartphone, à une série télé, aux réseaux sociaux…

L’addiction, n’est-elle pas aussi cette course folle après ce qui toujours nous échappe ?

La première fois que j’ai pris conscience que le comportement addictif était une solution à l’intolérance affective, ce fut lors d’un entretien avec la mère de mon petit patient appelé Sammy (Mc Dougall et Lébovici, 1960). L’analyse de Sammy avait été interrompue parce qu’on lui avait offert une place à l’École orthogénique de Chicago ; aussitôt la mère de Sammy demanda à venir me voir pour me parler de ses problèmes. Elle était au bord de l’alcoolisme et je me souviens encore de mon étonnement lorsqu’elle voulut m’expliquer les circonstances dans lesquelles le whisky était pour elle un recours : « L’ennui, c’est que souvent je ne sais pas si je suis triste, de mauvaise humeur, si j’ai faim, si je suis angoissée ou si j’ai envie de faire l’amour – et c’est là que je commence à boire. » Bien que cela puisse paraître évident, j’ai aperçu pour la première fois qu’un des buts du comportement addictif était de se débarrasser de ses états affectifs. 

Ma compréhension de l’économie d’addiction s’approfondit lorsque je décidai moi-même de m’arrêter de fumer, me trouvant ainsi obligée de confronter les raisons de ma propre dépendance ! Je découvris alors que je fumais lorsque j’étais heureuse ou excitée, angoissée ou en colère, après le dîner, avant le petit déjeuner, ou encore lorsque j’avais un travail difficile à faire ou un coup de téléphone délicat à donner. Autrement dit, chaque fois que j’étais la proie d’une émotion particulière, la cigarette avec son écran de fumée atténuait ma sensibilité et me permettait d’échapper à mon éprouvé affectif, neutralisant ainsi une partie vitale de mon monde interne ! Cette découverte me bouleversa et je me promis de m’appliquer à comprendre et à conceptualiser la structure psychique des comportements addictifs.

Au moment où je préparais mon premier exposé sur ce sujet, j’ai découvert que les mots « addiction » et « addict » étaient presque inconnus en français. J-B. Pontalis, mon collègue et ami de longue date, qui allait publier mon Plaidoyer pour une certaine anormalité, me fit remarquer, « que ces mots ne se trouvaient même pas dans le Robert » ! Ce que je dus faire en priorité fut de contester l’adéquation du terme standard français de « toxicomanie » dont le sens littéral est un « désir impérieux de s’empoisonner ». J’utilisai donc le terme anglais d’addiction dont le sens étymologique renvoie à la condition d’esclave, métaphore qui me semblait plus appropriée que la recherche du poison. Bien entendu, celui qui est dépendant ne cherche pas à se rendre esclave. Alors que le drogué se ressent comme enchaîné à son objet d’addiction, que ce soit le tabac, l’alcool, la nourriture, les narcotiques, les médicaments – ou les autres, utilisés comme objets de besoin narcissiques ou sexuels – cet esclavage est loin d’être le but de la quête addictive. Au contraire, cet objet est ressenti comme essentiellement « bon », une promesse de plaisir et d’atténuation temporaire de l’angoisse, voire même comme ce qui donne sens à la vie. L’économie psychique qui sous-tend le comportement addictif est censée disperser les sentiments de colère, d’incertitude, d’isolation, de culpabilité, de dépression, ou tout autre état affectif d’une intensité insupportable pour le sujet. Il s’agit donc d’un objet idéalisé car censé pouvoir résoudre magiquement les angoisses et le sentiment de mort interne. Cette tension peut également provenir d’expériences affectives génératrices de plaisir, mais qui mobilisent des sentiments d’excitation ressentis comme interdits ou dangereux (on dit de l’alcoolique qu’il est toujours en retard aux enterrements et aux mariages !). Le recours à l’objet ou à l’acte addictifs, une fois « découvert », sera exigé dans l’immédiat pour atténuer provisoirement des expériences affectives débordantes.

Peut-être devrais-je souligner en passant que, tous autant que nous sommes, nous avons recours à des comportements addictifs, notamment lorsque certains évènements nous perturbent de façon inhabituelle au point que nous nous trouvons dans l’incapacité de gérer nos affects et d’y réfléchir de façon constructive. En pareilles circonstances, nous avons tous tendance à manger ou à boire plus que de coutume, à prendre des antidépresseurs ou des calmants pour oublier, ou encore à nous engager dans n’importe quelle relation, sexuelle ou autre, afin de mieux fuir la souffrance psychique. A partir de là, nous pouvons dire que la solution que nous adoptons face à nos conflits et à nos douleurs mentales ne devient un symptôme que lorsque c’est le seul et unique remède auquel nous ayons recours pour supporter notre douleur.

  1. Joyce McDougall, Eros aux mille et un visages, Ed Gallimard, Paris, 1996, p. 231.
  2. Cependant, ce terme anglophone est maintenant utilisé par la littérature spécialisée.

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