« Basquiat X Warhol à quatre mains » exposition à la fondation Louis Vuitton du 5 avril au 28 août 2023

« Basquiat X Warhol à quatre mains » exposition à la fondation Louis Vuitton  du 5 avril au 28 août 2023 

Actuellement, la fondation Louis Vuitton consacre une exposition à deux artistes américains  emblématiques de l’art contemporain de la seconde moitié du XXème siècle, à la renommée  internationale : « Jean-Michel Basquiat x Andy Warhol, à quatre mains ».  

Ils ont évolué sur la scène artistique du Dowtown New-York des années 1980. En deux années  seulement, de 1983 à 1985, Warhol et Basquiat ont travaillé en duo sur environ 160 oeuvres,  en associant la peinture et la sérigraphie. Certaines sont monumentales, comme la sculpture  Ten Punching Bags (Last supper) ou African Mask, une toile de plus de dix mètres.  

Ces deux artistes viennent de deux univers différents : Andy Warhol a commencé comme  illustrateur publicitaire, alors que Jean-Michel Basquiat a débuté comme graffeur, écrivant  ses textes sur les murs de la ville.  

Au-delà de sa collaboration avec Warhol, Basquiat a mélangé dans ses œuvres des éléments  multi-culturels : jazz, culture créole, histoire africaine, boxe, culture urbaine, passages  bibliques, cultures tribales. Ces compositions forment un univers extrêmement pensé et  construit, malgré le graphisme chaotique qui peut faire penser à des dessins d’enfants. 

À partir de 1981, dans bon nombre de ses œuvres, écriture, graphisme et images cohabitent  sur le même support. Il écrit des mots, les effacent pour en réécrire d’autres par-dessus. Selon  lui, ce procédé était destiné à attirer l’attention sur eux, pour mieux les voir. En définitif, peu  d’artistes auront à ce point travaillé la lettre comme objet pictural.

Basquiat se voyait comme  un « écriveur de tableaux », un artiste-poète, à n’en pas douté, qui à la fin de sa courte vie disait vouloir être écrivain.

Le texte de Simone Wiener ( ci-dessous) interroge l’oeuvre de Jean-Michel Basquiat en partant de son histoire de graffeur sur les murs de Soho pour ensuite déployer l’évolution de la lettre dans son travail de peintre. 

« Jean-Michel Basquiat ou la lettre dans le tableau1 » par Simone Wiener 

Qu’est-ce qui donne à l’œuvre de Jean-Michel Basquiat un tel impact et pourquoi a-t-elle  eu un si grand succès, lequel ne cesse de s’accroître ? Serait-ce en lien avec la place que cet  artiste donne dans son travail, depuis le départ, à la lettre, avec sa face réelle mais aussi  signifiante ? 

Je me propose de reprendre le chemin de J.-M. Basquiat depuis sa période de graffeur sur  les murs de Soho jusqu’à son élévation au titre d’artiste de renommée internationale.  D’abord, je déploierai son histoire ainsi que l’évolution de son œuvre avec ses caractères  singuliers et ce qui l’identifie. Puis je me centrerai sur un moment critique de sa vie, un  moment de bascule subjective autour de l’acronyme « SAMO ». 

Je tenterai enfin de reprendre plus particulièrement ce qui se démasque, au-delà de SAMO,  de la présence de la lettre dans son travail, et qui se retrouve dans les différentes techniques  utilisées par Basquiat pour laisser à cette lettre toute sa place au point de caractériser son  style : raturages, superposition, surimpression… 

Histoire et œuvre 

Jean-Michel Basquiat est né le 22 décembre 1960 à Brooklyn (New York) d’un père haïtien et  d’une mère portoricaine. La famille appartient à la moyenne bourgeoisie. Les dons précoces  de Jean-Michel pour le dessin sont encouragés par sa famille. En 1967, ses parents se  séparent et il vit avec ses deux jeunes sœurs, chez son père. En 1968, à l’âge de 8 ans, il est  renversé par une voiture et alité de longues semaines. Sa mère lui achète le  classique Anatomy de Gray. La lecture de ce livre sera déterminante car les illustrations qu’il  recèle seront présentes dans de nombreux tableaux qu’il consacrera à l’anatomie du corps  humain. « I’d say my mother gave me all the primary things. The art came from her. – Je dois  dire que c’est ma mère qui m’a donné les fondements. L’art vient d’elle dira-t-il. 

Inscrit dans une école d’art d’où il fugue à plusieurs reprises, il va ainsi vivre dans la rue.  C’est au cours de ces échappées qu’il fera ses premières approches de la drogue. À 18 ans, il  quitte définitivement la maison familiale. 

Basquiat se fait un nom à Manhattan, dans Downtown, en signant du pseudonyme de  « SAMO » des tags qui le distinguent des autres graffiteurs qui opèrent à New York dans ces  années-là. Keith Haring remarque l’originalité de ses productions. En 1978, Basquiat est  sollicité avec Al Diaz par la revue Village Voice pour un article. Publié en décembre de la  même année, Basquiat et Al Diaz y expliquent comment leurs tags et graffitis ont évolué vers  une forme plus complexe de peinture. 

Après cette parution, il se brouille avec Al Diaz et leur collaboration cesse. En 1980, Basquiat  participe avec d’autres artistes (Kenny Scharf, Jenny Holzer) à une première exposition de  groupe dans une galerie prestigieuse, « Time Square Show », qu’il signe de son vrai nom. 

Basquiat opte très jeune pour la peinture, mais il est aussi musicien. En 1979, il fonde un  groupe musical qu’il baptise « Gray » (du nom de l’anatomiste) où il joue du synthétiseur et  de la clarinette. Ses idoles sont Dizzy Gillespie, Miles Davis, John Coltrane et, surtout, Charlie  Parker qui, comme lui dans la peinture, superpose les enregistrements d’un même thème  avec un instrument différent. 

Alors que l’art conceptuel et minimaliste sont les courants dominants de l’esthétique  contemporaine américaine, l’univers de Basquiat est en rupture avec ces tendances. Il  introduit l’écriture dans ses tableaux et y mélange vaudou, spiritualité, bande dessinée,  héros afro-américains. Il devient ainsi un des phares de la peinture néo-expressionniste. Sa  manière se caractérise par l’utilisation complexe de techniques de papier, de collages,  découpages, grattages, peinture mélangée de lettres et de signes cabalistiques ainsi que  d’un usage important et singulier de la couleur. 

À partir de 1981, Basquiat commence à superposer plusieurs couches de couleur, à dessiner  des motifs picturaux et à écrire des phrases qu’il efface ensuite partiellement. 

Puis, tout en dessinant beaucoup, il donne une place privilégiée à la lisibilité des mots, y  compris raturés. Il cherche à apparier du texte à l’image, des mots découpés, ajoutés,  recyclés, répétés. Il s’inspire de l’expressionnisme abstrait, du pop art et de la Renaissance. 

Les thèmes de sa peinture sont déjà élaborés : visage obsédant ou autoportrait, héros noir,  bandes dessinées, dessins d’anatomie, sujet autobiographique, argent, racisme, mort sont  associés à des commentaires en anglais et dans d’autres langues (français, espagnol), et  selon diverses techniques (peinture, dessin collage, sérigraphie). Les références incessantes  à l’enfance se mélangent avec l’hommage à ses ancêtres et aux symboles de la culture  américaine. 

À partir de 1982, Basquiat s’éloigne momentanément du travail sur des matériaux trouvés. Il  continue à dessiner et à peindre en utilisant le support d’une toile et en insistant sur l’aspect  pictural qu’il combine avec des couleurs acryliques et des pastels gras. Il remplit désormais  ses toiles de couleurs plus intenses. Il insiste aussi sur la confrontation avec le support  matériel, avec le tableau comme objet mural tridimensionnel. Des toiles comme Grillo, Gold  traduisent et montrent cet intérêt pour la matérialité du support. Ces œuvres tendues sur  châssis attirent le regard sur la valeur du tableau comme cadre. C’est là qu’intervient la  figure de style du pentimento qui consiste en une alternance de transparence et  d’effacement. J’y reviendrai. 

À 22 ans, il est exposé à la Documenta de Kassel aux côtés d’illustres artistes contemporains.  L’année suivante, en 1983, il participe à la biennale du Whitney Museum of American Art.  Basquiat se lie d’amitié avec Andy Warhol. Ils travaillent ensemble sur une série de peintures  et d’œuvres sur papier. Ils font une exposition commune qui n’emporte pas le succès  escompté et met fin à leur intense collaboration artistique. Ils ont des discussions  enflammées sur la question de la condescendance de l’art « blanc » à l’égard de l’art  « noir ». Leur amitié se poursuivra jusqu’à la mort de Warhol, en 1987. Cette mort déprime  profondément Basquiat et, en 1988, il meurt à son tour d’une overdose à New York, à l’âge de 28 ans. 

À cause de la fulgurance de sa vie, de son art singulier et de sa mort prématurée, Jean Michel Basquiat est devenu un mythe. Sa carrière a été celle d’une météorite car il connaît  un succès énorme, précocement. Cependant, cet aspect ne doit pas nous faire oublier  l’apport original de ce qu’il nous fait voir et du regard présent dans son œuvre. Le fait qu’il  ait été marqué par différentes sources, son éclectisme font de lui un précurseur du  croisement de différentes cultures (art conceptuel, peinture néo-expressionniste, pop art…). 

Dans ses peintures ultérieures, le foisonnement de ses références fait apparaître une déhiérarchisation des sources. C’est ce qui donne lieu à un travail plastique de l’ordre de  l’assemblage d’éléments composites. Ainsi on peut noter la coexistence de citations  du Gray’s Anatomy, des Carnets de Léonard de Vinci, de l’art égyptien, de Matisse. 

L’originalité du style de Basquiat réside aussi dans sa méthode, celle qui consiste à faire  entrer le quotidien dans son œuvre. Celle-ci devient ainsi témoin de la vie de tous les jours. Il  réalise ses dessins et peintures dans son espace environnant comme si ce dernier faisait  partie de son activité. Basquiat est marqué par les méthodes de construction de John Cage en particulier son mouvement d’intégration du hasard et de l’imprévisible dans la  composition. Ainsi son environnement immédiat est métamorphosé pour son travail de  plasticien qui devient une expérience existentielle. Par exemple, un réfrigérateur est  retravaillé avec un visage. Dans l’esprit de Basquiat, les matériaux trouvés accidentellement  et l’acte performatif de création répondent à une recherche : celle de faire coexister un  modèle d’improvisation provenant de la décision du sujet avec la méthode du hasard  planifié. Basquiat abandonne la hiérarchie de la composition et procède à la manière d’un  montage d’éléments hétérogènes. Cette méthode peut être mise en parallèle avec celle de  l’association libre qui, elle aussi, n’accorde pas de privilège à un énoncé sur un autre (« Dites ce qui vous vient, tout est bienvenu… »). 

SAMO ou l’identification d’un artiste : sa marque, ses mots 

Jusqu’en 1979, avant de devenir peintre et d’être reconnu comme artiste, Jean-Michel  Basquiat écrit dans les rues de New York, sur les portes du métro, les murs des bâtiments,  les palissades. À cette époque, il recouvre les tags des autres par les siens et affiche sa  volonté de rupture par des mots, des bouts de phrase se rapprochant d’une écriture  poétique et satirique. Il s’agit de bouts de phrase comme « SAMO as an end to mind wash  religion, nowhere politics, and bogus philosophy » (SAMO c’est comme la fin des religions  laveuses de cerveau, des politiques menant nulle part et des philosophies bidons) ou  « SAMO, as a neo art form » (SAMO, comme une néo-forme d’art). D’autres énoncés et l’idée  du copyright associé à son pseudonyme reprennent, en les détournant, des slogans  commerciaux emblèmes de la société de consommation américaine.

En effet, Basquiat signe ces graffes du pseudonyme de « SAMO », contraction de « Same o » qui veut dire « la même vieille merde » au sens de « rien de nouveau », suivi du © de  copyright garantissant les originaux. À cette signature il adjoint une couronne royale à trois  pointes qui apparaîtra aussi dans ses tableaux ultérieurs. Ces symboles deviennent alors sa  marque d’identification. 

Très vite, le style et le contenu de ses graffitis sont repérés comme différents des autres. Et  le public des rues de New York est intrigué et se demande qui peut se dissimuler derrière ce  pseudonyme de SAMO. On soupçonne que derrière l’artiste qui produit ces messages se  cache un représentant blanc de l’art conceptuel. Or, peu de temps après la parution de  l’article dans Village Voice où Basquiat et Al Diaz expliquent comment leurs graffitis évoluent  vers quelque chose de plus complexe, on peut lire un peu partout sur les murs de SoHo  l’inscription : « SAMO is Dead » (SAMO est mort). Lors de ce moment décisif pour lui, Basquiat  cesse sa collaboration avec Al Diaz et rend effective cette mort de SAMO en ne signant plus, à  une exception près, ses productions avec ce pseudonyme. Même s’il a poursuivi son  questionnement sur le tableau comme cadre, il abandonne définitivement l’espace urbain  comme tel. Ainsi se perd une nomination d’emprunt qui l’identifie aux yeux du public urbain,  et se réalise une séparation avec SAMO. Dans cet instant de déprise, tout se passe comme s’il  n’avait plus besoin de cette identification qui s’est effectuée et, dont il peut se défaire. Le  nom propre constitue une marque de fabrique, un trait symbolique auquel le sujet  s’identifie. Lorsque Basquiat peut se passer de SAMO, il peut consentir à être quelqu’un  d’Autre. Un moment que je qualifierai comme le temps d’un passage à l’artiste. 

Cependant son travail garde des traces de cette première période. En 1981, on peut noter la  présence de la couronne sur un tableau intitulé Red Man et signé « SAMO© 81 ». Cette  réapparition de SAMO se produit à l’évocation d’un homme blessé, voire mort, dont la  couronne a chu (cat. 25) et, semble-t-il, en référence à son accident de voiture enfant. De  même, un autre tableau daté de 1981, Cadillac Moon (cat. 17), semble représenter la  rupture avec « SAMO » qui y apparaît raturé, à gauche, alors que sur le même plan, à droite,  se trouve la signature de Jean-Michel Basquiat. D’une manière plus générale, on retrouve  des signes comme la lettre © de copyright ou la petite couronne sur un grand nombre de ses  tableaux et dessins. Basquiat se voyait lui-même comme un « écriveur » de listes et de  carnets de vocabulaire. Ces lettres qu’il écrit renvoient à d’autres lettres et signe le passage 

de la représentation au tenant lieu de représentation. Leur consistance tient au fait qu’elles  renvoient à d’autres lettres. Pour Erik Porge, « L’art partage cette faculté avec la science.  Cézanne disait à juste titre : “Je ne peins pas des paysages mais des tableaux.” On croise sur  les routes du Sud de grands panneaux indicateurs : “Paysages de Cézanne”. Le sinthome  désignerait ce passage du symptôme à l’écrit, non pas d’une seule lettre mais d’une relation  de lettre à lettre.  

Ainsi ce tableau de Cadillac Moon qui porte l’inscription concomitante de « SAMO » barré et  de « Basquiat » paraît emblématique de l’identification de l’artiste, de cette identification de  signifiants qui m’a paru ouvrir le passage à l’art. À noter que ce raturage de « SAMO » vient là  rappeler sa présence, à l’instar de l’inconscient, qui ne connaît pas la négation. Faut-il en  outre insister sur les « fiches d’identité » que comporte ce tableau ainsi que ses nombreux «  A » qui écrivent la première lettre d’un nouveau trajet ? 

Jeu de la lettre, raturage et pentimento 

Mais cette rature de SAMO, si elle prend là une dimension spécifique, illustre néanmoins le  travail pictural de Basquiat qui s’appliquait à mettre les mots en valeur en les effaçant : « Je  rature des mots, afin qu’on les perçoive mieux : c’est justement parce qu’ils ont été brouillés  qu’on veut les voir. Historiquement, le mouvement de Basquiat consistant à éclairer par ses  mots ses dessins et gravures peut être mis en lien avec sa première période de graffeur où  les mots l’identifiaient aux yeux du public de la rue. Ainsi s’est mise en place une manière  singulière de nouer du texte à l’image : des mots découpés, ajoutés, recyclés, raturés et  répétés. Il disait lui-même de sa technique : « Je gratte et j’efface mais jamais suffisamment  pour que l’on ne puisse pas reconnaître ce qu’il y avait en dessous, c’est ma version  du pentimento » 

La présence de collages, de superpositions, de papier écrit et largement recouvert atteste  son utilisation du pentimento. Ce terme signifie « repentir » : ce sont des traces qui laissent  deviner que des retouches ont été apportées ou que des motifs ont été recouverts sur une  peinture ou un dessin en cours d’exécution. Chez un maître ancien comme Rembrandt, on  peut distinguer ces retouches lorsque les couches de peinture qui vieillissent deviennent  transparentes, mais ce n’était pas un effet recherché. Chez Edvard Munch comme chez  Basquiat, c’est un effet volontaire de laisser transparaître un motif initial insuffisamment effacé. Tous deux essayent d’obtenir une transparence qui fait ressortir des couleurs et des  motifs de couches inférieures et antérieures. L’avis de ses commentateurs va dans le sens  d’une coexistence d’association où il faisait des griffures, des ajouts, en connaissance de  cause, pendant le séchage :

« L’emploi par Basquiat du pentimento comme figure de style  n’exprime pas tant le déni d’un autre motif qu’une association à la fois réelle et  métonymique des deux sujets en termes de matière de composition et de contenu,  association impliquant que le degré de recouvrement soit précisément compensé par un  équilibre entre opacité et transparence. » 

Cette transparence de motifs insuffisamment effacés produit une mise en perspective d’une  réalité comme mise en abyme. Cette dernière, qui constitue un autre monde, une autre  scène, n’est pas sans rappeler la sédimentation propre à la langue inconsciente. Avec  Basquiat le langage sourd de ses tableaux, et les triturations qu’il applique aux mots ont  pour effet de leur faire perdre la tête, le sens, au profit de leur valeur de lettres et leur  dimension purement signifiante. Mais si des sortes de rébus circulent dans les toiles de  Basquiat et qu’ils donnent à sa peinture la dimension d’un rêve, c’est comme pour nous  reposer de l’excès de sens. Car il nous fait accéder à la peinture comme écrit, à la lettre  comme hors sens. 

Pour conclure 

En s’intéressant à la circulation des lettres dans l’œuvre de Basquiat : mots, bouts de  phrases, ratures, pictogrammes, motifs, etc., il m’est apparu que cette présence  caractéristique de son travail d’artiste paraît héritée de son passé de graffeur, de même que  sa technique particulière du pentimento qui amène rajouts et recouvrements. 

Pentimento et circulation de lettres dans le tableau infléchissent sa dimension  métaphorique, d’image au profit d’une dimension signifiante. L’objet a « regard » en vient à  rencontrer l’objet « voix ». Et cet aspect est très finement noté par Fab5 Freddy qui en fait le  constat de la manière suivante : « Si vous lisez à voix haute les toiles…, la répétition, le  rythme…, vous pouvez entendre Jean-Michel penser. » 

D’autre part, ces lettres qui circulent c’est aussi le pseudonyme de SAMO sous lequel il se fait connaître au départ comme graffeur. Or c’est la mort de ce dernier, signalé, adressé au 

public d’un : « SAMO is Dead » sur les murs de la ville qui va signer son passage à l’artiste.  Ainsi, l’identification de l’artiste se joue à ce moment-là, temps qui se redouble de la  séparation d’avec son compagnon graffeur d’infortune, Al Diaz, et de la disparition  de SAMO comme signature de ses œuvres. « SAMO » se retrouverait-il en sous-couche si l’on  grattait les œuvres de Basquiat ? Toujours est-il qu’il apparaît une fois comme raturé dans le  tableau Cadillac Moon que j’ai détaillé. Et une autre fois en clair et comme seule signature,  dans un tableau qui a été nommé Red Man acrylique, pastel gras et peinture à l’aérosol….  Dans cette œuvre où apparaissent la chute de l’homme, le sang et la violence, la couronne  royale, qui circule dans beaucoup de ses tableaux, se retrouve à terre. On dirait que le roi est  mort. C’est pourquoi nous reprendrons en conclusion ce qui se dit de tout temps quand un  roi meurt, en l’appliquant à SAMO : « SAMO is Dead (SAMO est mort), vive SAMO… »

1 Simone Wiener, « Jean-Michel Basquiat, identification d’un artiste », Essaim, vol.27, n°2, 2011, p.75-82.