Le musée Freud à Londres

En 1938, après l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie, Sigmund Freud fut contraint de s’exiler à Londres. Au mois de septembre de cette même année, il emménagea avec sa famille au 20 Maresfield Gardens à Hampstead, dans une jolie maison que son fils Ernst Freud, architecte, avait reconstituée sur le modèle de son appartement viennois du 19 Berggasse. Il y passa la dernière année de sa vie et y mourut le 23 septembre 1939.

Sa fille, Anna Freud, vécut dans cette maison jusqu’à sa mort en 1982. Deux ans avant son décès, elle vendit la maison au Sigmund Freud Archives pour qu’elle soit gérée et convertie en musée. Après une période de rénovation, le Musée Freud fut ouvert en juillet 1986 au titre d’un fond de charité anglais.

Le bureau de Freud

Le bureau et la bibliothèque ont été préservés par Anna Freud après la mort de son père. La pièce contient le divan d’origine, rapporté de Berggasse 19, sur lequel ses patients s’allongeaient pendant que Freud écoutait leurs “associations libres” installé derrière dans son fauteuil en cuir vert. Freud demandait à ses patients de “raconter tout ce qui leur passe par l’esprit, en éliminant toute objection logique et affective qui les pousserait à choisir” c’est ce qu’il nommera “la règle de la libre association”. A propos du “cérémonial” du divan, Freud tient à ce que le patient “s’étende sur un divan et que le médecin soit assis derrière lui de façon à ne pouvoir être regardé. Cet usage a une signification historique, il représente le vestige de la méthode hypnotique d’où est sortie la psychanalyse”. Il ajoutera que cette position allongée lui convenait mieux pour des motifs personnels: “Je ne supporte pas que l’on me regarde huit heures par jour (ou davantage). Comme je me laisse aller, au cours des séances, à mes pensées inconscientes, je ne veux pas que l’expression de mon visage puisse fournir au patient certaines indications qu’il pourrait interpréter ou qui influeraient sur ses dires”.

Archéologie et psychanalyse

Nombre d’antiquités provenant de la Grèce, de Rome et de l’Egypte antique, ainsi que de l’Orient occupent le bureau de Freud. Il visita plusieurs sites archéologiques (sauf en Egypte) mais la majorité de sa collection provient de boutiques d’antiquaires à Vienne. Il avouait que sa passion de collectionneur venait juste après celle de fumeur de cigares.

L’importance de cette collection est d’autant plus évidente que l’archéologie représentait pour Freud une métaphore de la psychanalyse. Freud pouvait dire à un patient que la matière consciente “s’usait”, alors que l’inconscient restait relativement inchangé : “J’illustrais mes commentaires en montrant des objets dans la pièce. Ils n’étaient, en fait, que des objets trouvés dans une tombe, et c’est cet enterrement qui les avait préservés”.

Dans Construction dans l’analyse, Freud fait une comparaison entre psychanalyse et archéologie où l’analyste, dans “son travail de construction ou, si l’on préfère, de reconstruction présente une ressemblance profonde avec celui de l’archéologie qui déterre une demeure détruite et ensevelie, ou un monument du passé”. L’analogie entre archéologie et psychanalyse se fonde toutes les deux sur la pratique de la trace, à cette différence que l’archéologue opère sur un objet détruit alors que la psychanalyse opère sur quelque chose qui est encore vivant. Il n’y a pas de momification, de fossilisation ni de culte du passé. Là où le passé était, le présent doit advenir.

La bibliothèque de Freud

Les circonstances de son départ de Vienne empêchèrent Freud de rapporter tous ses livres à Londres. La bibliothèque comprend une grande variété d’ouvrages: art, littérature, archéologie, philosophie, histoire, psychologie, médecine et psychanalyse. L’étagère derrière le bureau de Freud contient quelques-uns de ses auteurs préférés; pas seulement Goethe et Shakespeare, mais aussi Flaubert, Heine et Anatole France. Freud observait que certains poètes et philosophes avaient atteint un degré de compréhension de l’inconscient que la psychanalyse cherchait à expliquer de façon systématique.

En plus des livres, la bibliothèque contient plusieurs tableaux, tels que Freud les a accrochés: notamment “Oedipe et l’énigme du Sphinx”, “La leçon du Dr Charcot” ainsi que des photographies de Martha Freud, Lou Andréas-Salomé, Yvette Guilbert,  Marie Bonaparte et Ernst von Fleischl.

Cette maison, où Freud termina sa vie et son travail, offre un aperçu unique sur les fondements de la psychanalyse.

Les lunettes de Freud sur son bureau