Lacan, l’exposition :

Quand l’art rencontre la psychanalyse

« Le seul avantage qu’un psychanalyste ait le droit de prendre de sa position, lui fût-elle donc reconnue  comme telle, c’est de se rappeler avec Freud qu’en sa matière, l’artiste toujours le précède et qu’il n’a donc  pas à faire le psychologue là où l’artiste lui fraie la voie » 

Jacques Lacan 

Quand l’art rencontre la psychanalyse 

Au Centre Pompidou-Metz du 31.12.23 au 27.05.24 

Jacques Lacan dans un musée ? Façon de faire entrer le visiteur, néophyte ou pas, dans  l’univers du psychiatre et psychanalyste Jacques Lacan. Il n’est aucunement nécessaire  d’être psychanalyste ni d’avoir lu et étudié les concepts lacaniens pour parcourir cette  exposition en forme de labyrinthe, et y trouver une certaine jubilation. 

La psychanalyse, comme « science de l’homme », s’est toujours intéressée, depuis Freud aux  domaines connexes comme l’art, la philosophie, la religion. Selon Lacan, il n’y a pas de  « psychanalyse de l’art » ; c’est pour lui une notion délirante. En revanche, il se demande ce que l’art peut apprendre à la psychanalyse. Tout au long de son enseignement oral, il s’est efforcé de faire dialoguer art et psychanalyse.

Il a puisé sa réflexion dans les œuvres des  grands artistes pour, selon lui, en « prendre de la graine »1 . Il s’est laissé enseigné par les artistes pour mieux s’orienter dans sa propre pratique. 

Plus de quarante ans après la mort de Jacques Lacan, le centre Pompidou-Metz lui consacre  une exposition où, de salle en salle, s’entremêlent, pas moins de trois cents œuvres. On y  découvre un Caravage, une esquisse des Ménines de Velasquez, des Duchamp, à côté d’œuvres de Louise Bourgeois, Sophie Calle, Magritte et Dali. Au fil de ses déambulations, le  visiteur tombera sur L’origine du monde de Gustave Courbet, le tableau « scandale » qui  représente une vulve. Pour la petite histoire, Lacan acquiert ce tableau en 1955, aux  enchères, pour 1 500 000 francs (336 199 euros). 

1 J. Lacan, Séminaire Les non-dupes, leçon du 9 avril 1974.

Ainsi, la pensée de Lacan sur l’art est à comprendre comme une suite de rencontres avec des artistes et des œuvres.  

Du reste, il côtoyait les artistes tels que Duchamp et Masson, des peintres tels que Picasso et Dali, des hommes et des femmes de lettres de son époque. Il admirait Duras et Joyce.

Lacan influenceur ? Les jeunes artistes ont puisé dans le répertoire lacanien, comme par  exemple l’artiste de street art, Miss.Tic, qui reprend le bon mot d’esprit : À Lacan ses lacunes. Par ailleurs, on peut constater que la jeune génération d’artistes ne se contentent plus de restituer le beau, ils exposent également les symptômes d’une époque.  

Lacan demeure une figure intellectuelle majeure du XXème siècle. On le qualifie de « hors  norme », avec sa personnalité fantasque et son caractère facétieux. Dandy et provocateur, il  collectionne les cigares biscornus, les œuvres d’art et les voitures de sport. Reste peut-être l’essentiel : Lacan est une voix. Du reste, elle nous accueille à l’entrée de l’exposition. Cette voix reconnaissable à la locution théâtrale, proche de la comédie (que le visiteur découvre  dès l’entrée en scène de l’exposition dans un extrait de Télévision). 

Quant au parcours de l’exposition, il est découpé en treize sections. Chacune d’elle  correspond aux apports fondamentaux de la « pensée-Lacan » :  

« Stade du miroir », « Lalangue », Le « nom du père », « Objet a », Regard, L’origine du  monde, Les Ménines, La Femme, Mascarades, « L’anatomie n’est pas le destin », « Il n’y a  pas de rapport sexuel », Jouissances, Topologies. Ces notions, spécifiquement lacaniennes, sont autant de marques de son « retour à Freud » qui lui ont permis d’en faire une lecture d’une originalité inouïe. 

Cette exposition relève d’une véritable exploration de l’univers de Lacan. Les œuvres d’art  qui y sont exposées montrent à la fois quelque chose de lui, de sa conception de la  psychanalyse et de notre époque.  

L’exercice était périlleux, mais le pari est gagné.