« Les conditions dans lesquelles la plupart des femmes ont été élevées depuis leur plus tendre enfance, les discours qu’elles entendent ou qu’elles lisent, les images qu’elles voient, font qu’elles attendent qui les aimera (le Grand amour, le Prince charmant) que cette attente rythme leur vie, et que de l’amour de cet homme miraculeux, elles attendent (toujours) leur identité, identité de personne et identité de femme. » Sonia Dayan-Herzbrun

 

 

« Réinventer l’amour

Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles »

 Mona Chollet

 

Après Sorcières, Beauté fatale et Chez soi, Mona Chollet, essayiste et journaliste livre un nouvel opus sur l’intime, matière première qu’elle ne cesse de déplier tout au long de ses écrits. Son nouvel essai interroge l’amour hétérosexuel et la façon dont les femmes ont appris à « érotiser la domination masculine ». Mona Chollet met au travail ses propres réflexions intimes, ses paradoxes, ses atermoiements, les vicissitudes du couple mais sans tomber dans un radicalisme, même si dit-elle : « En choisissant ce sujet, je sais que je me condamne à rouler lamentablement au pied du podium de la radicalité féminine ». D’ailleurs, pour Mona Chollet, « C’est important de ne pas être une « bonne féministe », de laisser la place à mes contradictions, à mes faiblesses[1] ». Elle n’hésite pas à revendiquer sa sentimentalité et son romantisme en énonçant : « Pour moi, la saveur de l’amour est indissociable du fait d’accorder une place privilégiée dans sa vie à quelqu’un et d’occuper une place similaire dans la sienne, de distinguer l’autre et d’être distinguée par lui ».

Pour elle, l’amour est hétérosexuel, monogame et si possible fidèle.

Dans cet essai, l’auteure fait en quelque sorte un état des lieux du modèle de l’amour patriarcal centré sur l’inégalité, le conformisme, l’infériorité des femmes dans leur idéal romantique, les violences conjugales, l’amour, considéré comme une affaire de femmes et l’objectification des femmes.

La thèse centrale de cet essai s’articule autour d’un questionnement sur les conditionnements sociaux et culturels que le régime patriarcal a imposés voire valorisés. Hommes et femmes hétérosexuels seraient ainsi le résultat d’une construction sociale et il s’agirait de se positionner contre un tel régime qui désavantage les femmes.

Quelle place prend la psychanalyse dans ce débat ? Mona Chollet ne fait aucune référence à la théorie psychanalytique. Néanmoins, elle introduit la question du fantasme en se demandant si la transgression est une part indispensable du fantasme. Pour Lacan, « une transgression est nécessaire pour accéder à la jouissance[2] ». Mona Chollet relève un paradoxe en se demandant comment être à la fois féministe et avoir un désir de soumission : « Par moments, que nous soyons des féministes convaincues ou que nous rejetions ce mot, peut-être que nous avons besoin de devenir en pensée de mignonnes petites truies qui se roulent joyeusement dans la fange de la domination masculine, parce c’est trop épuisant, tout le reste du temps, d’essayer d’éviter ses éclaboussures ».

Procédés que l’auteure trouve « troublants » mais « qui permet de lâcher la bride à son imagination, de laisser son esprit former toutes sortes d’images et de scénarios répondant à une nécessité obscure et profonde, en faisant table rase de toute considération morale. Et dès lors, effectivement, il peut comporter une large part de transgression ».

Effectivement, le sexuel n’est pas politiquement correct.

[1] Magazine Elle, 10 septembre 2021.

[2] Jacques Lacan, Le séminaire, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1986, p.72.